samedi 16 novembre 2013

Conférence Jean Moulin


Jean Moulin, républicain engagé
On connait de Jean Moulin l’image du Provençal d’avant-guerre, qui porte en hiver chapeau, écharpe et pardessus, attributs de la mode masculine de l’époque. Pourtant, on l’a plus d’une fois postdatée, dans un de ces petits arrangements avec l’histoire qui accompagnent souvent l’héroïsation des figures emblématiques. Beaucoup ont voulu y voir le préfet de Chartres cachant la vilaine blessure au cou qu’il s’était lui-même infligée, le 17 juin 1940, pour ne pas «céder» sous les coups de soldats allemands « en délire » car il refusait de signer un document infâmant accusant à tort les troupes françaises.
Le préfet Moulin, qui pose ce jour-là son premier acte de résistance à l’occupant, n’a pas pourtant nul besoin d’un petit mensonge pour être assurément, devant l’histoire et dans le souvenir de tous, « le » symbole d’une Résistance intraitable et visionnaire. Bien que né à Béziers en 1899 dans une famille républicaine et laïque, Jean Moulin a eu jusqu’à ses vingt ans révolus le Luberon, les Alpilles et le Ventoux comme horizons naturels, le berceau familial étant ancré à Saint-Andiol (13).
Ame d’artiste, il a cependant le service de l’Etat chevillé au corps. On ne devient pas par hasard le plus jeune sous-préfet, puis le plus jeune préfet de France. On ne passe pas non plus sans raison, en 1936, par le ministère de l’Air, comme chef du cabinet civil de Pierre Cot, qui lui demandera de s’impliquer dans l’aide clandestine à l’Espagne républicaine. « Clandestine »…, déjà, comme la voie qu’il choisira avant même que le gouvernement de Vichy, le 2 novembre 1940, ne le révoque.
Très officiellement, il informe le ministère de l’Intérieur de sa nouvelle adresse à Saint-Andiol, et de sa profession, agriculteur. Mais, avant de quitter Chartres, il a pris soin de se faire délivrer une carte par la préfecture, au nom de Joseph Mercier, professeur de droit. Toute la détermination de Moulin - la conscience, le devoir, le refus - est là, et dans cette phrase qu’il écrivait de Chartres à sa mère : « Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger ».
Dans le désordre et la résignation générale de 1940, l’attitude est exceptionnelle. Elle sera partagée, peu à peu, par d’autres individus et groupes isolés que, très tôt, Moulin va observer et rencontrer. En Provence d’abord. A Marseille, il voit notamment Henri Frenay, futur chef du mouvement « Combat ». Et c’est en octobre 1941, toujours poussé par le devoir et une fine analyse des situations, qu’il gagne Londres et se fait le messager de la résistance auprès du général de Gaulle. « Il leur faut des moyens de propagande », dit-il au chef de la France libre, « et, plus encore, des plans d’action militaire ». La mission « Rex » va commencer deux mois plus tard, avec le parachutage clandestin, à la pleine lune du 2 janvier 1942, de Jean Moulin dans les Alpilles, entre Fontvieille et Eygalières, flanqué de deux officiers d’opérations très tôt ralliés à la France libre, Raymond Fassin et Hervé Monjaret.
Commencent alors des heures sombres, difficiles, dangereuses et harassantes pour convaincre les mouvements de résistance d’unir leurs forces et de se rallier au général de Gaulle. Ensuite, non sans heurts et difficultés, ce seront les anciens partis politiques et syndicats que Moulin réussira à amener à la même table que les résistants : ainsi sera créé, toujours clandestinement, le « Conseil national de la Résistance », qui siègera pour la première fois à Paris le 27 mai 1943, et consacrera de Gaulle comme seul chef de la France en guerre.
Trois semaines plus tard, c’est la réunion de Caluire, l’arrestation, les tortures de Klaus Barbie et la mort, probablement en gare de Metz, le 8 juillet 1943. Au visage de l’hiver 1939, déjà creusé et amaigri par une dure vie de résistant traqué, va se substituer la face déchirée et martyrisée du chef qui savait tout sur la Résistance - et ne parla pas.
Le 19 décembre 1964, les cendres présumées de Jean Moulin seront transférées au Panthéon, en présence du général de Gaulle.
F.-R. Cristiani-Fassin
L'équipe des Ateliers Agora

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